Bruxelles - Le secteur occupe entre 4.000 et 5.000 personnes, dont un tiers de prostitués masculins. Mais il n'existe pas de politique coordonnée.
A la demande de Pascal Smet (SP.A), ministre en charge de la politique du bien-être à la Commission communautaire commune (Cocom), une première étude a été réalisée sur le phénomène de la prostitution à Bruxelles. L'enquête a été conduite par le bureau d'études néerlandais Seinpost BV, en collaboration avec la KUL et la haute école Erasme.
Le volumineux rapport établit une première cartographie d'un secteur qui toucherait de 4.000 à 5.000 personnes, dont un tiers d'hommes. C'est beaucoup, proportionnellement à des villes comme Zurich ou Rotterdam.
L'étude avance comme explication la présence de nombreuses institutions internationales à Bruxelles et, donc, de nombreux clients de passage.
L'enquête relève aussi que les formes dites publiques de prostitution (en vitrine ou de rue) ne concernent qu'un millier de prostitué(e)s, la plus grande partie de l'activité se concentrant dans des lieux privés. Une tendance à la hausse qui complique les contrôles et qui trouverait partiellement son explication dans la pression exercée par la rénovation urbaine, via par exemple la démolition des cafés de prostitution à la gare du Midi.
Autre phénomène marquant de l'étude : l'afflux massif de prostituées bulgares – et dans une moindre mesure, roumaines – qui exercent surtout dans la rue et dans les bars. Conséquence : on compte de moins en moins de prostituées sans-papiers.
L'inventaire dresse par ailleurs la typologie des lieux où se pratique le plus vieux métier du monde : la soixantaine de bars de la rue d'Aerschot (230 à 350 prostituées), la grosse centaine de carrées de la rue des Plantes et des environs, dans les hôtels de rendez-vous des quartiers Louise et de l'Alhambra.
L'enquête constate par ailleurs que la prostitution homosexuelle se concentre dans les environs de la place Fontainas, le quartier Saint-Jacques, dans les parcs et aux abords de la gare Centrale, tandis que les maisons privées (salons de massage, saunas, etc.) et les réceptions à domicile se concentrent davantage dans les quartiers résidentiels de l'est et du nord-ouest ainsi que dans le quartier européen et à proximité de l'avenue Louise.
Pour une politique intégrée
Au-delà d'une cartographie inédite, l'enquête s'est également intéressée aux conditions de vie des prostitué(e)s et aux formes de criminalité qui gravitent dans leur sillage. Les points noirs : violences physiques et psychologiques, toxicomanie, conditions d'hygiène parfois douteuses, isolement social, etc. Seule vraie bonne nouvelle, l'étude relève une diminution importante du nombre de mineurs qui s'adonnent à la prostitution.
Les chercheurs ont également comparé la situation bruxelloise avec la manière dont le phénomène est appréhendé à Rotterdam, Anvers ou Glasgow. Ils balisent enfin les pistes pour la mise en place d'une politique intégrée de la prostitution que le ministre Pascal Smet appelle de ses vœux.
« Pour mieux encadrer la prostitution sous ses différentes formes, nous devons mettre en place une politique intégrale qui réunit tous les acteurs concernés : le gouvernement bruxellois, les bourgmestres, la police, les deux ministres bicommunautaires », plaide Pascal Smet. Qui suggère par ailleurs la nomination d'un « Monsieur Prostitution » qui serait chargé de coordonner l'action des pouvoirs publics. Car même si la Belgique est plutôt « abolitionniste », le ministre estime qu'on ne peut plus tolérer sans rien voir.
© Le Soir 2009/Francis Dubois