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Le Flamingo annoncé rue de Laeken


 

 

L’agora éphémère de la rue Vandenbranden ne constitue qu’une petite partie visible de l’iceberg «Nicolay versus la ville de Bruxelles». A 42 ans, ce roc à la stature imposante et aux coups de gueule légendaires a déjà largement posé son empreinte sur le périmètre urbain bruxellois.

 

Si dans 50 ans, un historien du divertissement bruxellois devait se pencher sur les décennies 1990, 2000 et plus que probablement 2010, il ne pourrait faire l’économie de la contribution de celui qui a relancé la bière Vedett. La tâche sera ardue dans la mesure où Nicolay déteste être exposé, chaque fois qu’il le peut il envoie quelqu’un d’autre au front des relations publiques. S’il préfère l’ombre à la lumière, c’est que sa vraie vie se déroule cachée de tous, avec France, sa femme, et ses trois enfants.

 

Le système Nicolay

 

Sorti simple commis de l’école hôtelière de Namur, Frédéric Nicolay est un self-made-man qui ne doit rien à personne. Au contraire, son entourage a toujours été enclin à le freiner dans ses projets.

 

C’était le cas quand au début des années 90, il a débarqué du côté de la place Saint-Géry et de la rue Antoine Dansaert, des quasi-chancres à l’époque qui n’avaient les faveurs de personne. Il y multiplie les cafés et les restaurants – Bonsoir Clara, Kasbah, Mappa Mundo, PP Café… –, autant d’adresses qui vont ramener le quartier à la vie. C’est à ce moment-là que se met en place le système Nicolay qui consiste à investir un coin de Bruxelles oublié, à y générer du mouvement et, in fine, à se faire emboîter le pas par une cohorte de créatifs et autres hipsters. Nicolay, l’homme par qui la gentrification arrive ? Indéniable mais il faut lui laisser qu’il s’agit plus d’un engrenage non maîtrisé que d’une stratégie claire. Aucun des lieux qu’il a ouvert n’a jamais pratiqué la moindre sélection que ce soit. Au contraire, la patte « néo-populo » des endroits sur lesquels il intervient peut se caractériser par le refus de l’exclusion sociale. Du Walvis au Café Belga, Frédéric Nicolay pratique une esthétique du zinc « service au comptoir » ouvert à tous. Il est bien connu que l’on peut y passer des heures sans être harcelé sur la question de la consommation à renouveler. Le succès de la place Saint-Géry, il l’a exporté ailleurs. D’abord du côté de la place Flagey, sans doute un des coups les plus faciles dans la mesure où la rénovation du paquebot était un buzz programmé. L’homme ne s’est pas contenté de jouer petit bras. C’est vrai du côté de la place Albert où l’implantation du Bar du Matin n’avait rien d’une évidence. Pourtant, depuis son ouverture, à coups de concerts et de programmations alternatives, l’endroit ne désemplit pas. Idem pour le récent Potemkine, face à la Porte de Halle, dont le départ laborieux prouve qu’il ne donne pas que dans le tout cuit. Pour vitaminer le lieu, ce bar-ciné club est désormais, sous la pression de son concepteur, également ambiancé par un piano pour des sessions live. Concepteur le terme est lâché, après gentryfication, c’est l’autre mot de la martingale Nicolay. Cela fait un moment qu’il ne possède plus de bars en propre, il se contente d’imaginer les concepts et les décors qui vont avec. Fidèle de la première heure, Paul de Béthune – patron du Café Belga, du Bar du Matin et du Potemkine – semble ne pas regretter de lui avoir à chaque fois emboîté le pas. S’il fallait ajouter un troisième mot pour comprendre la réussite de cette forte personnalité, ce serait « style ». Ses touches architecturales ne sont jamais issues du hasard, elles sont réfléchies et tout sauf « design » et « internationales ». En plusieurs lieux et touches particulières – usage intensif du zebrano ou plafond atypique emprunté à un supermarché allemand des années 50 –, il a acquis une signature permettant à Bruxelles de ne pas s’aligner « bêtement » sur les standards du genre tels qu’ils se répètent de Londres à Paris. Le tout dans le sens d’une certaine décroissance à la manière des récents bureaux à base de palettes de transport – tiens, tiens… – qu’il a signé du côté du boulevard Barthélémy pour l’agence de communication WOW.

 

La suite ? Elle s’écrira bientôt en face du Théâtre Flamand. C’est là qu’une prochaine adresse verra le jour à l’endroit où la rue de Laeken s’affiche plutôt sinistrée. On ne sait presque rien du projet, si ce n’est qu’il portera le nom de Flamingo… ce qui n’est pas sans une pointe d’humour.

 

© Le Soir - www.lesoir.be